Caravanes, Bamdikaïn et Ma'ati
- Babi
- 19 août 2023
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Dernière mise à jour : 2 sept. 2023
Babi: "C'est au Tafilalet qu'est née la dynastie marocaine actuelle.
Nous avons aidé les Alaouites à conquérir le Maroc au XIVe siècle, ce qui nous a permis de vivre pendant longtemps d'une rente : la monarchie envoyait au Tafilalet des dons, des cadeaux, etc. Mais quelques siècles plus tard, les caisses étaient vides et la situation économique de la population s'était dégradée. Il fallait trouver un moyen de gagner de l'argent.

A l'époque, c’était les caravanes qui assuraient le commerce entre les pays méditerranéens et africains. La caravane était composée de trois types d'intervenants :
le caravanier, qui fournissait les animaux et la logistique ;
les guides, qui, selon la saison, calculaient l'itinéraire pour éviter les zones à problèmes, comme les rivières en crue en été ou les passages enneigés en hiver ;
et enfin les "protecteurs", qui formaient une escorte spéciale dont la mission était de protéger la caravane de tous les dangers qui se présentaient en chemin.
Dans le village de mon grand-père, à la fin de la saison estivale de la cueillette des dattes, les hommes en âge de travailler et n'ayant plus rien à faire se réunissaient avec leurs cousins et leurs copains pour former des escortes de caravanes.

Ils partaient alors vers le Nord du Maroc prendre en charge quelques caravanes sur la côte méditerranéenne, et les accompagnaient jusqu’à la frontière avec le Sénégal où une escorte locale prenait leur relai.
Ils bivouaquaient alors à la frontière, attendant qu'une ou deux caravanes remontent dans l'autre sens, et les escortaient sur le chemin du retour vers la côte méditerranéenne. Cela les occupait pendant environ trois mois et leur permettait de gagner un peu d'argent.
L'un de mes ancêtres, Abu Sah'in, n'a eu que des filles de sa première femme - cinq ou six en tout, je ne sais plus trop. Abu Sah'in travaillait à l'automne comme protecteur de caravanes. Une année, alors qu'il était posté à la frontière sénégalaise, attendant l'arrivée d'une caravane, il remarqua une "Bamdikaïn", une jeune fille noire d'une extrême beauté. Il l'épousa et la ramèna au village comme seconde épouse (la polygamie était encore une pratique courante à l'époque). Elle tomba bientôt enceinte et lui donna le fils que toute la famille attendait. Comme le voulait la tradition, ils l'ont appelé "Ma'ati", ce qui signifie en arabe "Don de Dieu" et qui est un nom très courant chez nous.
C'est de là que vient la couleur de peau de mon père, dont le nom complet était "Jilali, fils de Mohammed, fils de Ma'ati".

Jilali Dahbi, mon père, vers 1920.